Les cavernes d’Ali Baba
J’y suis allée cette semaine. Les réserves de mon musée. C’est là que repose doucement une partie de notre patrimoine. Si l’on considère que dans les salles d’exposition, 1% des collections est disposé au bénéfice de nos sens, cela laisse 99% des artefacts qui sont dorlotés et chouchoutés à 20 degrés celsius et 50% d’humidité pour les générations à venir. C’est le 99% que j’ai vu cette semaine, et c’est fabuleusement émouvant.
Sur un cintre créé sur mesure, debout se tient une robe de mariée bleue, ornée de rubans et appliqués. Un corsage tout en entonnoir, pour une taille si fine, menue. Suffit d’un peu d’imagination pour y voir la jeune mariée. Pour y voir les heures de coutures et broderies qu’elle y a mise. De cela, il y plus de 200 ans…
Un grand tiroir s’étire sous mes yeux. Sous un voile blanc repose un habit pour homme datant de 1775. Les broderies m’hypnotisent. Je m’émeus devant tant de détails, de motifs savamment agencés. Je me sens soudainement très poche dans mes vêtements Made in Bangladesh.
Derrière moi, se trouve un mur de ceintures fléchées. En petite sardines, toutes enroulées et couvertes d’un plastique qui nous laisse apprécier les différents tressés. Pas deux identiques, uniques dans leur motif, largeur, matière. Je suis obnubilée. Je n’entends plus la voix de celle qui raconte leur histoire. J’imagine les mains de l’artisan. Le rythme du mouvement des doigts.
Puis dans une autre réserve, il y a les peintures. Plein, plein, plein de peintures. Elles sont accrochées sur d’immenses grillages de métal, comme des murs que l’on tire sur roulettes, dans cette immense pièce de béton. L’anachronisme est frappant. Toutes ces peintures encadrées de dorures sculptées, posées sur ces grillages. Le bruit du métal qui roule sur le plancher me fait l’effet du rideau qui se lève au théâtre.
Je souris en voyant un Trois-Rivières d’acrylique que je n’aurais pas reconnu. Ma tête a oublié le nom de l’artiste. Comme tant d’autres choses. Je repense au documentaire que j’ai regardé cette semaine. On y parlait de rares cas d’autisme où les gens n’avaient pas la capacité d’oublier. En revoyant dans ma tête cette visite des cavernes d’Ali Baba, je sais avoir fait une magnifique promenade dans la machine à remonter le temps. Dans la mémoire…
Enfin, un jour je vous parlerai des réserves de fourrure, de céramique, de livre rare, d’estampe, de jouet.
Et quand j’en saurai un peu plus, je vous écrirai sur la philosophie muséale… Passionnant d’écouter quelqu’un vous parler de cela. Fascinant.
Lorsqu’une chaise arrive dans un musée, plus personne ne peut désormais poser son postérieur sur elle. Dénaturée de sa fonction. Détrônée…!!
Allez, je vous laisse cogiter là-dessus.
Je m’enferme pour la fin de semaine. Étude. Rédac. Ménage.
Étude. Rédac. Ménage.
Étude. Rédac. Ménage.
Étude. Rédac. Ménage…
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4 commentaires:
Merci pour ton beau voyage derrière ces grands murs de béton. J'envie ton nouvel emploi qui semble si fascinant !!! Félicitations.
Merci ma belle amie!
Enfin, la dernière fois que j'avais eu l'impression d'entrer dans une caverne d'Ali Baba c'était au Sample Sale!
Et au Crow Bar à NYC...!
Remember?!!
Bon samedi Bella!
xx
Bonjour Lili
Hmmm, comme j'aurais aimé t'accompagner dans cette exploration muséale ;-)
Tu me rappelles que je dois t'apporter l'ouvrage de Jean Baudrillard: "Le système des objets" - je jette un coup d'oeil dans mes boîtes et je te reviens là-dessus.
Ciao!
Christian
Bonjour Christian!
Ouais, cette visite était tout à fait inattendue. J'y retournerais avec toi, je suis certaine que tu aurais plein d'autres histoires à nous raconter!
Merci pour le bouquin! J'ai très hâte de jeter un coup d'oeil à ça! "Le système des objets"... Quand même décapant comme titre!
Bon dimanche!
(à demain!)
L
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