Mes mères

Maman la fée

Était venue l’année ou ma sœur et moi commencions à se montrer sceptiques face à l’épineuse question de l’existence du Père-Noël… Nous avions approché Maman avec l’argument que, vivant dans un bungalow de Ste-Foy, nous n’avions pas de cheminée. Il était donc fort peu probable que Père-Noël puisse entrer chez nous…

De sa répartie habituelle, Mom nous répond que peut-être il utilisait la " trappe " qui donnait accès au grenier, située dans le garde-robe de notre chambre. Humm. Ouin, peut-être Maman.

Dans la nuit du 24 au 25, ma mère fabriqua deux stencils, un pied droit et un pied gauche et avec de la neige " en spray " elle créa des traces de pas, de notre garde-robe jusque sous l’arbre de Noël au rez-de-chaussé.

Je me souviens encore de ce réveil.

Maman la conteuse

Assise tout au fond de la salle de spectacle, je la regarde, elle qui allume les yeux et l’imaginaire des petits et des grands. Est-ce ma mère là devant? Je ne sais pas. Il y a à peine quelques heures, je jasais avec cette femme pendant qu’elle me faisait des galettes à la mélasse en jaquette de flanelle. Elle doit être une fée.

Est-ce ma mère là devant? Mais oui. C’est seulement que pour quelques instants, je la partage un peu avec l’auditoire.

" Allez-y mes amis, écoutez la".

Souvent on me dit :
-" Tu devais te faire lire des histoire, toi, quand tu étais petite! "
-" Ah, oui, parfois. Mais c’était plus souvent, des contes, des prestations ou des spectacles de marionnettes pour s’endormir "


Maman la Louve

Il y a quelques mois, tout est devenu très noir dans ma tête et dans ma vie. Une tempête si forte que je devais appeler à l’aide. Maman, ma louve.

" Maman, je suis perdue et j’ai peur. "

-" Ma chérie, j’ai parlé à Papi et on va aller te chercher. On peut partir tout de suite. "
-" Non, non, Mom, ça n’a aucun sens. Il est 20h, vous êtes à 5 heures de route d’ici. Ça va aller maman. T’inquiète pas. "
-" Ma belle, rappelle moi dans une heure, ok? Penses-y en attendant. Il y a aussi un autobus qui part à 21 heures de Montréal, on ira te chercher à Québec. Penses-y."

Je suis finalement partie pour le Bas du fleuve quelques jours plus tard. Dès que j’ai vu son regard au terminus d’autobus, je savais que je n’avais plus rien à craindre. Ma louve, ma mère était là. Maman.

-" Tantôt, je t’amène en croisière ", me dit-elle.

Plutôt que de prendre le pont Pierre Laporte, nous avons pris la traverse Québec-Lévis. En regardant le coucher de soleil sur la vieille capitale. Dans les bras l’une de l’autre.

La force de son amour résonne dans chacun de ses gestes. Elle souffle mes voiles quand j’en ai besoin, elle me borde quand j’ai peur de dormir, elle me trouve quand je suis égarée. Dès qu’elle a commencé à nous tricoter, ma sœur et moi, son amour s’est brodé dans nos mailles. Ses empreintes de mère parsèment qui je suis. Comme je suis chanceuse.

Maman la mère

Tous ces jours ou elle m’a veillée avec une attention hors du commun, elle dorlotait toujours toutes les autres âmes de sa couvée; son amoureux, sa famille, ses amis, son troubadour. Avec le même amour et la même tendresse. Elle veille la mère. C’est un don, une mission, un appel.

Et peut-être que si j’ai parfois peur de la maternité, c'est que je sais que je serai une grande mère. Comme elle.

Et elle me regarde, sourire en coin et me dit :
-" Ma belle chérie, prend ton temps. C’est un groooos contrat! "

***

Grande dame de poésie, courtepointe de la vie, semeuse de bonheur, artiste extraordinaire, vous êtes unique.

Grande dame, je suis privilégiée de porter un peu de vous en moi.