J’ai passé mon enfance sur un bateau à voile. Tous les étés, toutes les fins de semaines, les vacances annuelles, et parfois un petit mardi soir, juste parce que le vent était propice. De la voile sous le soleil, de la voile la nuit, par tempête - en bikini, ou avec une tuque et des mitaines. Je me souviens des après-midi à attendre le vent ou la marée à la marina. Sœur et moi, couchées sur les pontons, à pêcher des menés pour se désennuyer. On y connaissait tout le monde, et nous étions généralement les seuls enfants. Alors on était gâtés. Il y avait toujours une gentille dame pour nous offrir des biscuits ou une liqueur.
Et puis, le départ :
-« Les filles? Venez vous en, on part »
Notre premier voilier "Naoussa". Les deux petites puces sur le pont, dans des gilets de sauvetage encombrants et chapeaux assortis - c'est soeur et moi...
On berce lentement vers le large. Puis, moment de grâce, on ferme le moteur. Il n’y que le bruit de l’eau et du vent. On hisse les voiles, on prend de la vitesse, on commence à gîter, et … ahhhh … c’est le bonheur.
La terre n’est plus la même vue du large.
Question de perspective.
Vingt-cinq ans plus tard (!), c’est toujours le même feeling. Mardi après-midi, quand on a coupé le moteur, quand on a hissé les voiles, c’est avec le même émerveillement que j’ai réécouté tous les sons propres à la voile. Les drisses qui « cling » sur le mât, le vent qui frappe la voile en la tendant, la coque qui frappe chaque vague. Quand on gîte tellement que l’on pourrait pencher la tête par derrière et se faire mouiller les cheveux.
Y’a rien comme la voile.
C’est que tous nos sens sont en extase.
Les centaines d’histoires que je pourrais vous raconter à ce sujet : le troisième bateau de mon paternel qui a explosé, les partys que j’ai fait à bord alors adolescente, les écluses de St-Ours, mon bal de finissants du collège que j’ai loopé pour aller faire de la voile, les étés au Lac Champlain…
Mais je vais vous dire ceci. Dormir en se faisant bercer par les vagues, être couché en regardant le ciel étoilé par l’écoutille, et en se collant contre sa grande sœur, y’a de quoi émouvoir pour longtemps.